Blog de Littérature de Science-Fiction
L’odyssée des idées de Stéphane Lalut

Voilà un livre que tout le monde devrait avoir lu :
L’odyssée des idées à travers les siècles de l’aube de l’humanité à nos jours. Cela commence aux origines du langage (depuis le genre Homo) aux langages de nos années (dopés par l’IA) !
Stéphane Lalut a fait un travail remarquable sur l’évolution des tendances et des idées sur notre histoire.
Large part à l’Histoire de France, mais pas que bien sûr.
530 pages de plaisir intellectuel d’approfondissement de la connaissance, de philosophie, d’études.
Tous ces articles (345) sont d’une grande érudition avec toujours les bonnes références et les bonnes citations qui marquent les siècles.
Aux vues des autres critiques, je crois que je ne suis pas le seul à apprécier cet ouvrage qui nous rend plus intelligent et qui nous rappelle beaucoup de faits d’histoire que l’on a oubliés.
Six grandes parties sont étudiées.
Revenons en détail sur certains passages avec citations et commentaires :
1. de -2,5 millions d’année avant JC à -1200, premières civilisations.
réflexions sur le langage, la mort, la religion, le commerce, l’écriture, …
2. de -800 à +312, de l’Antiquité aux débuts du christianisme.
où l’on côtoie Ulysse, Pythagore, Sun Tsu, Socrate, Platon, Aristote et les autres…
Xénophon (à lire en plus : l’anabase, et l’excellent ouvrage de Philippe Cavalier: les neuf noms du soleil)
– Protagoras, Thucydide, Lucrèce, Euclide, Epicure, …
Panem et circenses.Les grecs et les romains : naissances de notre civilisation.
– Jésus. César et ses conquêtes. Marc Aurèle.
– Néron puis les débuts du christianisme (à lire en plus : Néropolis de Hubert Monteilhet)
3. de 487 à 1485, de Clovis à Louis XI.
L’évêque Rémi baptise Clovis :
» Courbe la tête, fier Sicambre, adore ce que tu as brûlé, brûle ce que tu as adoré. »
Guerre contre les Cathares: » Tuez les tous, Dieu reconnaîtra les siens. »
Contre les Templiers :
« Maudits! Maudits! Soyez tous maudits jusqu’à la treizième génération de vos races ! »
– Jeanne d’Arc. « une des plus merveilleuses figures que l’histoire ait produite. »
4. de 1500 à 1670, de la Renaissance à Louis XIV.
« Ce que l’on conçoit bien s’énonce clairement, et les mots pour le dire arrivent aisément. » (Boileau)
« Il n’y a pas d’art plus difficile que celui de gouverner. » (Machiavel)
« Le doute est le père de la création. » (Galilée)
– Montaigne, Molière, Descartes (cogito ergo sum), Louis XIV, Colbert, …
– Un poète anonyme à la mort de Richelieu :
Le ministre fameux que cette tombe enserre
Ne témoigne que trop aux yeux de l’univers
Que la pourpre est sujette à l’insulte des vers,
Et que l’éclat du monde est un éclat de verre.
– Blaise Pascal : » Le cœur a ses raisons que la raison ne connaît point. »
5. de 1687 à 1910, de Newton à Einstein, les évolutions et révolutions.
Les lois de Newton, Saint Simon, Diderot, Leibniz, Rousseau, …
» Tout homme qui a du pouvoir est porté à en abuser. La monarchie dégénère ordinairement dans le despotisme d’un seul ; l’aristocratie dans le despotisme de plusieurs ; la démocratie dans le despotisme du peuple. » (Montesquieu)
« Il faut donc cultiver notre jardin sans trop nous inquiéter du reste ; c’est là le seul moyen d’être heureux dans ce monde où nous sommes jetés comme par hasard. » (Voltaire)
– De nombreuses pages sont dédiées à Voltaire (plus que tout autre) : nécessité et liberté, justice et progrès.
– La révolution industrielle / Les économistes (Smith, Say)
– L’indépendance des Etats Unis et le rôle de Lafayette.
– La philosophie de Kant.
– La Révolution française ! « C’est une révolte ? – Non, Sire, c’est une révolution ! »
« Nous sommes ici par la volonté du peuple et nous n’en sortirons que par la force des baïonnettes. » (Mirabeau)
– Robespierre, Marat, Danton, Saint Just, la Terreur, les guillotines, ..
– La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.
Beaucoup d’avancées, oui, mais à quel prix ? L’auteur ici aurait pu insister sur les énormes dégâts et destructions qu’a causé la révolution française…
– Le massacre des Vendéens (les Chouans), 200 000 morts au total.
» Si j’avance, suivez-moi ; si je recule, tuez-moi ; si je meurs, vengez-moi » (La Rochejacquelein)
– Bonaparte, Napoléon, les guerres, le code civil, …
– Talleyrand, l’homme qui survit à tous les régimes.
« Cela va sans dire. – Si cela va sans dire, cela ira mieux en le disant. » (Talleyrand)
– Emile Zola, Auguste Comte, …
– 1848, le manifeste du parti communiste, Karl Marx, Engels, …
– Victor Hugo, une œuvre littéraire au-delà des siècles, Germinal, l’affaire Dreyfus : « J’accuse…! »
– Jacques Monod : « Le hasard et la nécessité »
– Charles Darwin, son œuvre :« De l’origine des espèces… »
-La guerre de Sécession.
– 1870, la guerre.
– Flaubert, indépendant.
« Celui qui a un ‘pourquoi’ peut vivre avec un ‘comment’ (Nietzsche)
« Pour prendre une décision, il faut être un nombre impair de personnes, et trois c’est déjà trop. » (Clémenceau)
– Jaurès, Barrès.
– 1905 : la séparation de l’Eglise et de l’Etat en France.
« La France a deux livres : la Bible et le Code Civil ; l’un pour l’âme, l’autre pour le corps ; l’un pour le ciel, l’autre pour la terre ; l’un pour Dieu, l’autre pour les hommes.« (Victor Hugo)
– E = MC2
– Le capitalisme, le travail.
« L’important n’est pas tant de gagner, mais de participer. » (Coubertin)
– Henri Poincaré et les maths.
6. de 1914 à nos jours, des guerres mondiales à l’émergence de l’ère numérique.
– L’horreur des deux guerres mondiales : 14/18 et 39/45.
A ce sujet, trois réflexions pas assez soulignées:
–> 1914/1916 : la folie répétée des généraux français qui lançaient leurs soldats hors des tranchées baïonnettes aux canons face aux mitrailleuses allemandes !
9 millions de morts au total.
–> 1939 / 1945 : mai et juin 1940 : la déroute de l’armée française en deux mois seulement.
50 millions de morts au total.
–> La jeunesse hitlérienne et les nombreux livres culturels brûlés : on espère ne plus revoir cela !
Et Stéphane Lalut écrit : « L’art est la liberté de l’esprit, l’idéologie est la prison de la pensée. »
On ne peut qu’être d’accord avec lui.
S’il n’y avait qu’une citation que je devais retenir de cette odyssée des idées, ce serait celle-là.
– Le maréchal Pétain, héros de la 1ère, mais quelle honte pour la 2ème.
– Charles de Gaulle et l’appel à la résistance.
– Hitler, Churchill, Roosevelt et le new deal, Malraux et Moulin.
– Lénine puis Staline, les horreurs côté soviétique.
Mais aussi : Einstein (théories de la relativité), Hoyle, Lemaître ((le big bang), la Pénicilline, la radioactivité, Schrödinger, la physique quantique, …
– Le Front Populaire, Léon Blum.
– JM Keynes : théorie générale de l’emploi, de l’intérêt et de la monnaie + J. Schumpeter : la destruction créatrice + JK Galbraith sur l’économie de la consommation + M. Friedman : Capitalisme et Liberté.
– Isaac Asimov : le cycle de Fondation, le cycle des robots. Les lois de la robotique. (Bravo d’y consacrer un chapitre)
– Yalta, Bretton Woods.
– Gandhi.
– 1945 : la création de la sécurité sociale.
– 1947 : la naissance d’Israël.
– L’intelligence, l’informatique, Turing, Murphy.
—> Sujets peu abordés (dans le désordre et c’est dommage) : l’horreur des camps de concentration, le droit de vote des femmes (45), Simone Veil, l’IVG (75).
– La 5ème République.
– L’Europe. JF Kennedy.
» Le mal qui est dans le monde vient presque toujours de l’ignorance, et la bonne volonté peut faire autant de dégâts que la méchanceté si elle n’est pas éclairée. » (Albert Camus)
– Berlin, le mur en 61, sa destruction en 89.
– Martin Luther King, Mao,…
George Bernard Shaw à Winston Churchill : » Vous ai réservé deux places pour la première. Amenez un ami, si vous en avez un. » Réponse : « Présence impossible pour la première. Viendrai à la deuxième, s’il y en a une. »
– Mai 68: l’imagination au pouvoir contre le pouvoir sans imagination.
– 1971: fin des accords de Bretton Woods.
– VGE, Thatcher, Mitterrand, Badinter et l’abolition de la peine de mort.
– 1987: l’ADN est né ainsi qu’Internet.
– Gorbatchev, Eltsine. Mandela, Jean-Paul II, …
– 1995 : à la recherche des exoplanètes.
2003 : Irak, Etats Unis, France, ONU : la grande tromperie des armes de destruction massive et la désorganisation du Moyen Orient.
– Politique, travail, salaire, inégalités, la finance, autant de sujets crispants.
– Les algorithmes, l’IA : quelle utilisation ? Quel avenir pour l’humanité ?
Voilà la fin, en forme de questionnement, de ce livre incroyablement riche.
« Voilà un livre que tout le monde devrait avoir lu » je le crois également !
L’ouvrage se distingue par sa double ambition : d’une part, il offre un panorama érudit des événements historiques et des concepts qui façonnent notre culture, que vous avez minutieusement reporté ; d’autre part, il cultive une dimension réflexive qui encourage le lecteur à développer sa propre pensée critique sur des questions essentielles.
C’est de ce croisement de l’histoire et des mécanisme cognitif que se forme une double hélice de la raison entre biologie du cerveau et généalogie des idées que me semble féconde dans une lecture croisée entre « Neuromania » d’Albert Moukheiber et « L’Odyssée des idées » de Stéphane Lalut. En combinant deux approches : les neurosciences, qui en révèlent les fondements biologiques, et l’histoire des idées, qui en retrace l’évolution.
Cette double analyse permet d’appréhender comment notre architecture cérébrale influence notre jugement critique et comment cette capacité s’est développée au fil du temps. Cette perspective s’avère particulièrement pertinente face aux défis contemporains de la désinformation et de la surcharge informationnelle.
L’approche neuroscientifique de Moukheiber décrypte les processus cognitifs sous-jacents au jugement critique. Il démontre notamment comment certains neuromythes, tels que celui du « cerveau reptilien », simplifient excessivement le fonctionnement cérébral. Cette perspective présente la pensée critique comme une disposition intrinsèque du cerveau humain à cultiver, tout en soulignant l’importance de reconnaître nos biais cognitifs, comme le biais de confirmation.
En parallèle, l’investigation historique de Lalut examine les moments charnières de l’évolution de la pensée critique. Il met en lumière l’apport fondamental de la Grèce antique avec Socrate dans la valorisation du doute méthodique, ainsi que le rôle de figures comme Galilée ou Darwin dans la remise en question des dogmes établis.
Cette synthèse entre neurosciences et histoire des idées constitue un modèle d’analyse applicable à divers domaines. Dans la sphère politique, elle aide à comprendre comment les biais cognitifs interagissent avec les constructions idéologiques et explique la persistance de certaines idées infondées dans l’imaginaire collectif. Le paradigme libéral de la « main invisible » du marché illustre parfaitement cette interaction : notre cerveau, naturellement programmé pour détecter des schémas et attribuer des intentions, tend à personnifier les mécanismes économiques complexes. Cette tendance cognitive, combinée à l’histoire du développement capitaliste, explique la persistance de cette métaphore anthropomorphique malgré son caractère simplificateur. Notre biais d’agentivité – qui nous pousse à voir des agents intentionnels derrière des phénomènes complexes – renforce ainsi une vision du marché comme entité autorégulée et bienveillante, occultant souvent la réalité plus nuancée des mécanismes économiques. Sur le plan éducatif, elle suggère l’importance de former les nouvelles générations à la fois à la reconnaissance des biais neuronaux et à l’analyse critique des discours.
En conclusion, cette lecture croisée révèle la pensée critique comme une capacité ancrée tant dans notre biologie que dans notre héritage intellectuel. Dans un contexte de surcharge informationnelle, cette approche pluridisciplinaire fournit des outils essentiels pour développer un esprit critique éclairé, applicable dans des domaines allant de l’éducation aux sciences politiques.
Merci beaucoup d’avoir exprimé si clairement et profondément votre avis sur L’odyssée des idées qui me pousse bien sûr à lire maintenant Neuromania d’Albert Moukheiber que je n’avais pas encore remarqué. Les neurosciences sont énigmatiques et passionnantes. J’ai lu deux livres intéressants qui sont commentés sur ce blog : La Tyrannie du cerveau et Dernières nouvelles du cerveau. Sinon, si vous êtes intéressée par des romans de SF qui traitent modestement quelques sujets sur la conscience et d’autres civilisations, vous pouvez lire à la suite : Empyrée et Albédo (voir sur mon blog).